Read this article in Dutch | English
Le gouvernement fédéral est parvenu à un premier accord il y a quelques jours sur le troisième plan d'action contre la fraude fiscale (et sociale). L’extension envisagée de la disposition générale anti-abus ne sera finalement pas mise en place. Toutefois, le gouvernement a convenu d’autres mesures importantes. Dans cet article, nous nous attarderons sur deux mesures procédurales faisant beaucoup de bruit : à savoir une obligation d’information supplémentaire pour les sociétés faisant partie d’un groupe international et l’introduction d’un régime juridique pour les litiges de prétaxation.
Ce qui est sur la table
Le projet de loi prévoit des obligations supplémentaires pour les sociétés nationales faisant partie d’un groupe international. Elles devront fournir certaines données/informations provenant de sociétés étrangères du groupe et relatives aux transactions qu’elles ont conclues avec elles.
Le projet de loi contient une liste non-exhaustive de données de la société étrangère devant être mises à disposition des autorités fiscales belges : telles que les « comptes annuels, les déclarations fiscales et les rapports des conseils d’administration ». Cette obligation est soumise à la condition qu’il y ait une obligation légale de maintenir ces données à l’étranger. Si la présentation des données par la société étrangère est contraire aux obligations légales auxquelles elle est soumise, l’obligation ne s’applique pas.
L’exigence selon laquelle les données demandées doivent être nécessaires pour déterminer le montant des revenus imposables du contribuable belge, telle qu’elle est actuellement inscrite dans le texte de loi, est maintenue. A cet égard, l’exposé des motifs du projet précise qu’un test de proportionnalité doit donc toujours être effectué.
L’exposé des motifs indique également que l’obligation d’information supplémentaire découle du fait que le système actuel d’échange d’informations avec les autorités étrangères ralentirait souvent considérablement le contrôle et conduirait à une réponse incomplète ou à une absence de réponse.
Dans les travaux préparatoires, il est également précisé que si un lien clair existe entre la transaction dans laquelle la société belge est impliquée et une transaction sous-jacente entre deux autres sociétés liées du même groupe, les informations relatives à cette dernière transaction seront également prises en compte. C’est par exemple le cas lorsque le prêteur de la société belge finance à son tour ledit prêt à l’aide d’un crédit obtenu d’une autre société liée.
Proportionnalité, les principes de l’UE en danger ?
Le gouvernement n’a pas encore finalisé ce projet de loi et attendra d’abord l’avis du Conseil d’État. En effet, il y a beaucoup à dire sur le devoir d’information supplémentaire. Exiger des informations non clairement définies, qui ne sont pas à disposition du contribuable lui-même et y associer des sanctions potentielles (le non-respect de dépôt pouvant entraîner des amendes administratives, des astreintes ou un renversement de la charge de la preuve) est en contradiction des principes tels que : la reconnaissance de la personnalité juridique, la territorialité ou la légalité… En imposant le devoir d’information supplémentaire exclusivement aux situations étrangères, il devient évident que des questions quant à la conformité avec l'UE peuvent être soulevées.
Il semble que le gouvernement soit également conscient que la mesure envisagée pourrait créer de nombreux problèmes et discussions. Le Conseil d'État est maintenant appelé à donner son avis.
Litiges de prétaxation
Un projet de loi distinct prévoit d’incorporer la pratique existante de litiges dits de « prétaxation ». Il s'agit par exemple de litiges concernant des actes d'enquête (lorsque l’imposition n’est pas l’objet du litige).
Le projet de loi prévoit que le contribuable dispose d'un mois pour contester un acte d'enquête, par exemple, s'il estime que l'administration a outrepassé ses compétences et qu’elle demande des informations ne relevant pas de ses pouvoirs d'enquête.
Un tel litige de prétaxation suspendra désormais les délais d'enquête, d'imposition et de conservation, de sorte que le contribuable ne pourra pas tirer parti de la contestation des actes d'enquête à ce stade. Il n'y a d'ailleurs aucune obligation de contester immédiatement un acte d'enquête. Il est toujours possible de le faire ultérieurement, à la suite d'une contestation de l'avis d'imposition.
Triage
Une autre nouveauté importante concerne les règles prévues en matière de triage lorsque le contribuable s'oppose à la légalité de la prise ou de la copie de données (numériques) par l'administration. Bien qu'il existait déjà une pratique jurisprudentielle et administrative à cet égard, le législateur entend maintenant créer un cadre juridique contraignant.
Le contribuable peut s'opposer lorsque l'administration porte atteinte à un "droit protégé". Selon les travaux préparatoires, sont notamment concernées les données relevant de la correspondance confidentielle entre un avocat et son client, ou les données contenant des informations privées qui ne sont pas pertinentes sur le plan fiscal.
Les livres et documents papier seront conservés dans une enveloppe scellée et les données numériques feront l’objet d’une sauvegarde immuable, pour laquelle la procédure doit encore être établie dans un arrêté royal ultérieur.
Le ministre des Finances désignera au moins 4 "fonctionnaires indépendants" chargés de décider si les données en question font effectivement l’objet d’un "droit protégé". Le projet de loi ne donne pas plus de précisions sur le caractère « indépendant » des fonctionnaires concernés, si ce n’est qu’ils ne peuvent pas être chargés de la conduite de l’audit ou de l'enquête fiscale. Cette condition est tout à fait logique, mais semble offrir peu de garanties quant à une véritable indépendance. Les fonctionnaires peuvent demander un avis à l'autorité de déontologie, mais ils ne sont pas liés par cet avis. Le contribuable peut contester la décision des fonctionnaires en introduisant un litige de prétaxation contre la décision des fonctionnaires.
Le recours à la procédure de triage elle-même entraîne également une prolongation des délais d'enquête, d'imposition et de conservation prévus dans le CIR.
Les textes ne sont pas encore définitifs. Le Conseil d'État et de nombreuses autorités de déontologie (cf. triage) devront encore donner leur avis. Étant donné les questions que soulèvent encore les textes actuels, il est à prévoir que certaines choses changeront.
Quoi qu'il en soit, les contribuables sont avertis. Les intentions politiques du gouvernement sont claires : les entreprises impliquées dans des transactions internationales sont visées. Il est donc de plus en plus important d'être bien préparé à un éventuel contrôle fiscal. Dans la mesure où les intentions des dispositions proposées se transforment en politique fiscale, il sera essentiel de documenter de manière approfondie les transactions internes au groupe et d'évaluer soigneusement si des informations les concernant doivent être disponibles en Belgique, en vue d'un éventuel contrôle fiscal. L'équipe Tax Dispute Resolution de Deloitte Legal peut fournir assistance et répondre à toute autre question spécifique concernant les sujets abordés dans cet article.
Annick is head of the Tax Dispute Resolution team of lawyers at Deloitte Legal. She specialises in Belgian and international tax law and focuses on tax risk management, criminal law in tax matters, tax litigation and tax recovery. She also acts as a lawyer in tax proceedings before the Court of Cassation and the Court of Justice. She is a recommended lawyer in the Legal 500 guide.
Filip is a partner in the Tax Dispute Resolution team within Deloitte Legal, focusing on direct tax risk management and litigation. Filip assists taxpayers during audits, negotiations and litigation with the tax administration concerning income taxes and private wealth structuring. Furthermore he has a special focus on the G&PS sector, acting regularly on all questions concerning the specific tax regime for the sector. He has extensive experience handling litigation cases before the Belgian courts, including the Constitutional Court, as well as the European Court of Justice. Filip is recommended in the Legal 500 for tax litigation work.