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La Cour constitutionnelle doit (à nouveau) se pencher sur la constitutionnalité de la base minimale d’imposition en cas de redressement assorti d'un accroissement de 10 %, compte tenu de sérieuses questions sur la légalité de cette mesure.
Depuis l'exercice d'imposition 2019, dans le cadre d’une régularisation fiscale, une interdiction de l'imputation des déductions fiscales est en vigueur à l'impôt des sociétés, la « base minimale d’imposition ». Lorsque l'administration fiscale modifie le résultat imposable du contribuable, ces modifications constituent une base forfaitaire minimum, pour autant que ces modifications s'accompagnent d'une augmentation d'impôt d'au moins 10 %. Le cas échéant, le contribuable ne pourra pas compenser le résultat modifié par des déductions fiscales (telles que les pertes reportées), à l'exception de la déduction des dividendes perçus pour l'année concernée (actuel article 206/3, §1er, deuxième alinéa du CIR).
L'application de cette interdiction de l'imputation des déductions fiscales dépend de la question de savoir si l'administration fiscale impose ou non un accroissement de 10 % ou plus. En ce qui concerne l'imposition d'un accroissement, la disposition légale pertinente stipule à son tour qu’ « En l'absence de mauvaise foi, il peut être renoncé au minimum de 10 p.c. d'accroissement. » (article 444, troisième alinéa CIR). L'administration fiscale, suivie en majorité dans la jurisprudence, considère la possibilité de renoncer à l’accroissement de 10 % comme un pouvoir discrétionnaire. Bien qu'il y ait des dispositions directrices dans les commentaires administratifs et les arrêtés royaux sur le sujet, il n’existe aucune base légale claire précisant si l’agent taxateur doit ou non accorder la remise.
Cela signifie que la décision discrétionnaire de renoncer ou non à l’accroissement de 10 % implique également de facto une décision discrétionnaire concernant la base imposable finalement due (cf. application de la « base minimale d’imposition »). Cela a donc un impact financier direct sur les contribuables concernés, qui peuvent prétendre à des déductions fiscales importantes, telles que des pertes fiscales ou la déduction RDT reportée, etc. Ainsi, dans un cas, le contribuable pourra compenser (partiellement) le résultat imposable supplémentaire par des déductions fiscales, de sorte que le redressement n'entraînera qu’une dette fiscale effective partielle ou nulle. Dans un autre cas, le contribuable ne compensera pas le résultat imposable supplémentaire par des déductions fiscales (à part la déduction RDT de l'année concernée), de sorte que le redressement donnera en principe lieu à une dette fiscale effective.
Dans un arrêt récent, la Cour d'appel d'Anvers s'est penchée sur la légalité de l'application de base minimale d’imposition. Le contribuable a notamment fait valoir que cette mesure est contraire au principe constitutionnel de légalité (article 170 de la Constitution), étant donné que le pouvoir discrétionnaire des agents taxateurs de renoncer à un accroissement de 10 % en l'absence de mauvaise foi implique de facto une décision sur l'existence de la base d'imposition. La Cour d'appel d'Anvers semble suivre l'argumentation du contribuable et pose, pour cette raison, trois questions préjudicielles différentes à la Cour constitutionnelle. Dans ces questions, la Cour d'appel d'Anvers demande à la Cour constitutionnelle de se prononcer sur une éventuelle violation du principe de légalité, mais aussi sur une éventuelle violation du principe d'égalité.
C'est la deuxième fois qu'une instance judiciaire pose une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle pour se prononcer sur la légalité de la base minimale d’imposition, compte tenu du pouvoir discrétionnaire que l'administration fiscale s'accorde pour renoncer à l’accroissement de 10 %, après que le tribunal de première instance de Liège a également posé une question préjudicielle similaire à la Cour constitutionnelle. Nous attendons donc avec impatience le jugement de la Cour constitutionnelle. Il est certain qu'il existe de solides arguments pour conclure qu'il y a effectivement une violation de la Constitution.
Une décision positive pour les contribuables pourrait conduire à la révision des impositions qui ont été établies dans le passé en application de ces dispositions légales. Les contribuables qui ont dû subir la mesure pourraient alors éventuellement demander un dégrèvement d'office.
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Filip is a partner in the Tax Dispute Resolution team within Deloitte Legal, focusing on direct tax risk management and litigation. Filip assists taxpayers during audits, negotiations and litigation with the tax administration concerning income taxes and private wealth structuring. Furthermore he has a special focus on the G&PS sector, acting regularly on all questions concerning the specific tax regime for the sector. He has extensive experience handling litigation cases before the Belgian courts, including the Constitutional Court, as well as the European Court of Justice. Filip is recommended in the Legal 500 for tax litigation work.
Annick is head of the Tax Dispute Resolution team of lawyers at Deloitte Legal. She specialises in Belgian and international tax law and focuses on tax risk management, criminal law in tax matters, tax litigation and tax recovery. She also acts as a lawyer in tax proceedings before the Court of Cassation and the Court of Justice. She is a recommended lawyer in the Legal 500 guide.